Leçons de Ténèbres - Couperin

Dans la Semaine Sainte, les trois nuits du triduum pascal (intervalle de temps qui va du Jeudi soir au matin de Pâques), convoquent l'église à une interrogation intense : trahison, reniement, souffrance, mort, résurrection. C'est là qu'à l'origine se plaçait l'office des Nocturnes dans lequel on pouvait entendre les Leçons de Ténèbres. Au cours du service, on éteignait une à une les bougies, symbolisant par ce geste, la désertion des disciples. La lumière ainsi disparaissait pour ne revenir qu'au matin de Pâques.

 

Des Leçons de Ténèbres de François Couperin composées pour ces trois nuits, seules les premières nous sont parvenues. Elles prennent pour texte les Lamentations de Jérémie ; le récit et la plainte décrivant la destruction du Temple de Jérusalem (585 avant J.-C.), la "désobéissance" du peuple d'Israel et la douleur de la déportation. Un tel exil (captivité) loin de la terre d'origine marquait souvent la fin d'un peuple et la disparition de sa culture.

 

Ces moments de détresse de l'histoire d'Israel, ce lamento, ce thrène (chant de deuil) empreint de larmes semblent être portés et traduits à merveille par la musique baroque française. Une époque où le sentiment dramatique de la mort s'exacerbe, où les larmes se font voir et où le maniérisme et l'emphase dominent le discours. Des caractéristiques de le musique de ce siècle (et de l'art en général), c'est peut-être le sentiment de l'émotion qu'il faut d'abord ici retenir. Couperin veut peindre le tourment, le désarroi et le trouble de l'âme.

 

Ce texte en acrostiche, avec au début de chaque verset la présence d'une lettre hébraïque, imprime une circularité qui est accentuée par des silences et une obscurité peu à peu naissante. L'effectif se veut volontairement réduit : deux voix de dessus, une basse d'archet, un théorbe et un orgue. Par des harmonies aux couleurs sombres, par une ornementation savamment dosée et par un va-et-vient entre la mélodie grégorienne et le développement de ce que l'on pourrait appeler un air de Cour, Couperin veut éveiller en nous "le plaisir des larmes".

 

La présentation sous forme de concert, propose de goûter à cette sensibilité baroque, à son sens profond du lamento et à sa description si persuasive de l'abandon. Parmi les Leçons de Ténèbres du 17e français, celles de Couperin sonr certes les plus connues, elles sont cependant loin d'être les seules. Il faut citer également Michel Lambert, Jean Gilles, Michel-Richard Delalande ou encore Marc-Antoine Charpentier qui composa pas mois de quarante Leçons !

 

La mise en musique des Lamentations de Jérémie nous vient d'Italie et date du début du 17e siècle. La paternité en est attribuée à Vincenzo Galilei, père de l'astronome Galileo Galilei. Comme son fils en sciences, Vincenzo fut en musique un remarquable novateur et participa à l'instauration de cet art nouveau dans lequel le chant se déclame à une seule voix pour se mettre entièrement au service du texte : la seconda prattica. L'harmonie, perdue par l'abandon des autres voix, est alors confiée aux instruments de continuo (viole de gambe, théorbe, etc.).

Jean-Christophe Aubert

Musiciens : 5

2 soprani

luth

viole de gambe

orgue



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